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La guerre

Prendre concience aujourd'hui de l'état d'esprit dans lequel était Freud au début de la Première Guerre mondiale a quelque chose de poignant. Sa description d'une perte civilisationnelle immédiate pour les européens d'alors nous reste très proche, à nous les européens d'aujourd'hui. Jusqu'en 1914, les universitaires communiquaient beaucoup et notamment dans ce monde de la psychiatrie et de la psychanalyse naissante.Le professeur Pitres, par exemple, était allé faire sa communication "en présence" en 1897, au XII° Congrès International de médecine de Moscou (1). J'ai eu envie de reposter la brève description (que j'avais faite pour le site de René Desgroseillers) des interactions entre " Freud-L'ecole psychiatrique de Bordeaux-le congrès de psychiatrie de Moscou -Hesnard-Charcot " [1895-1914] .C'était, comme le dit Ferenczi, quand "les voies de la communication scientifique internationale n’étaient pas encore coupées.."

Les "considérations " de Freud nous paraissent tragiquement actuelles plus d'un siècle plus tard, par exemple:

"Entraînés dans le tourbillon de ce temps de guerre , insuffisamment renseignés, sans un recul suffisant pour porter un jugement sur les grands changements qui se sont déjà accomplis ou sont en voie de s'accomplir, sans échappée sur l'avenir que se prépare, nous sommes incapables de comprendre la signification exacte des impressions qui nous assaillent, de nous rendre compte de la valeur des jugements que nous formulons. Il nous semble que jamais un événement n'a détruit autant de patrimoine précieux, commun à l'humanité, n'a porté un tel trouble dans les intelligences les plus claires, n'a aussi profondément abaissé ce qui était élevé...."

"L'État en guerre se permet toutes les injustices, toutes les violences, dont la moindre déshonorerait l'individu. Il a recours, à l'égard de l'ennemi, non seulement à la ruse permise, mais aussi au mensonge conscient et voulu, et cela dans une mesure qui dépasse tout ce qui s'était vu dans des guerres antérieures..."

De grandes différences cependant :
1.Cette guerre est porteuse du danger nucléaire (lequel concernerait une grande partie de l'humanité), dans un moment où le réchauffement climatique fait peser un autre danger généralisé.
2.Les voies de la communication scientifique internationale" ne sont pas coupées. C'est le régime de la communication lui-même qui a pris une tournure des plus inquiétantes et qui participe directement à la guerre.

Nous voyons donc se préciser deux grands ensembles de problèmes.
1.Comment s'assurer de l'authenticité des masses d'informations qui circulent sur l'Internet, même quand comme moi on a vérifié et conservé soigneusement depuis des années les sources fiables?
2.Mais surtout, quelles nouvelles précautions doit-on prendre dans l'exercice de tout ce qui se nomme psychanalyse à distance ou teleanalyse, pour ne mettre en danger personne, aujourd'hui mais aussi demain, si plusieurs pays européens sont pris dans de nouvelles formes de fascisme et si même dans les pays "démocratiques", la démocratie est en baisse?

note1: Merci au fabuleux travail de la BNF qui met à notre disposition tous les textes de ce lointain Congrès et notamment les intervention de Pitres et de Régis