Dans l'utilisation que fait l'aejcpp des données de René Desgroseillers, mon article a disparu. On peut le retrouver sur la wayback-machine . Je le republie ici pour montrer le grand niveau d'échanges européens qui existait juste avant la première guerre mondiale. Bordeaux le 01.04.2022 .

On sait qu'en 1915 Ferenczi a critiqué cette école:" La psychanalyse vue par l'école psychiatrique de Bordeaux"

Hesnard et l'école psychiatrique de Bordeaux

La psychanalyse -- Les grands personnages -- de la psychanalyse française -- Angelo Hesnard
Le texte qui suit est une collaboration de Geneviève Lombard, psychanalyste membre du Quatrième Groupe. 

Hesnard, Freud et l'École Psychiatrique de Bordeaux.
 C e n’est pas en 1909 et dans la bibliographie de la thèse de Hesnard que le nom de Freud apparaît pour la première fois à Bordeaux. C'est l’année même où Freud invente le mot de psycho-analyse dans "L’Hérédité et l’Étiologie des Névroses", en 1896. Or, à qui s'adresse cet article? À Charcot et aux élèves de Charcot, nommément, voici l’envoi: "Je m’adresse spécialement aux disciples de J.M. Charcot pour faire valoir quelques objections contre la théorie étiologique des névroses qui nous a été transmise par notre maître...". Dans cet article donc, Freud cherche le dialogue avec les héritiers de Charcot en tant qu’il en fait partie. 
    Il va être entendu la même année à Bordeaux. Un étudiant en médecine, Jean Texier, qui est l'élève du Professeur Pitres, soutient une thèse*:  "Contribution à l’Étude de L’Étiologie de l’Hystérie" et Texier indique dans la 3° partie de  son introduction ceci: "Nous avons ensuite indiqué la théorie toute nouvelle de M. Freud, théorie qui fait le sujet de notre étude.". Cette "nouveauté " va bien entendu  être rejetée "L’expérience sexuelle précoce manque dans un grand nombre de cas, tandis que la cause prédisposante et la cause occasionnelle font rarement défaut. L’expérience sexuelle précoce n’est donc pas la cause spécifique de l’hystérie..etc". Cette prise en considération va continuer (en même temps que va continuer - mais avec des nuances - le rejet de l’importance du sexuel comme cause ). Pas dans les thèses car je n’en ai trouvé qu’une entre celle de Texier et celle de Hesnard, une thèse de 1907 du docteur Gaston Pierre André Baril qui cite Freud dans un travail intitulé "Le Sens Génésique chez les Tuberculeux" (un germe de psycho-somatique ?). Cette lecture de Freud et cette discussion des idées freudiennes va continuer , côté professeurs. On en a une preuve éclatante dans le livre que Pitres et Régis publient en 1902 "Les Obsessions et les Impulsions" (Octave Doin Paris 1902, Bibliothèque internationale de Psychologie Expérimentale normale et pathologique). Pour la petite histoire, ils sont allés quelques années plus tôt, en 1897, au XII° Congrès International de médecine de Moscou où ils  ont fait leur célèbre rapport intitulé "Sémiologie des Obsessions et des Idées Fixes” et à Moscou, d’autres aussi parlent de Freud. Donc dans leur livre, on trouve plus de 15 références à Freud, parfois des pages entières. Les textes freudiens auxquels ils se réfèrent sont l’article "Obsessions et Phobies" paru le 30 janvier 1895 dans la Revue de Neurologie et "La Névrose d’Angoisse" de 1895. Dans le chapitre de synthèse, c’est la place de la sexualité comme cause qui va se discuter: 

      •     "Freud, dont nous avons eu si souvent l’occasion de citer et d’utiliser les intéressantes recherches sur la symptomatologie des états obsédants, Freud s’est efforcé d’introduire dans la science une notion nouvelle sur l'étiologie de ces états. D’après lui, la névrose anxieuse avec ses symptômes essentiels: les phobies et les obsessions, reconnaîtrait pour cause principale, sinon exclusive, l’accumulation incomplètement satisfaite de l’excitation génésique..(on disait ainsi...). Certains auteurs partagent sur ce point les idées de Freud: Tschisch (à Moscou justement), Gattell et, en France, Tournier. D’autres auteurs ont abouti à des conclusions différentes : Lowenfeld Hartenberg. Nous ne croyons pas, nous non plus, à l’origine exclusivement sexuelle des actes obsédants ".

    Voila donc ce qui s’enseigne à Bordeaux au début du siècle et l'état de la discussion des thèses freudiennes, quand Hesnard arrive. On peut dire qu’il y a à la fois une réelle prise en considération de l’importance de Freud en tant qu’il est encore dans l'héritage de Charcot  mais une méconnaissance radicale de la nouveauté de ses découvertes. Bien que depuis 1896 Freud ait élaboré la théorie du fantasme et de la sexualité infantile, les discussions autour du sexuel (à ce Congrès comme dans ce texte) tournent toujours autour des données  liées  à l'observable : "les obsessions débutent, dans plus de la moitié des cas, dans l'enfance ou l'adolescence avant la fin de la quinzième année, à un âge par conséquent où les pratiques visées par la théorie de Freud ne sauraient être incriminées".(Pitres et Régis, texte cité). Le malentendu va donc grandissant. 
    Angelo Hesnard soutient en 19O9 sa  thèse "Les Troubles de la Personnalité dans les États d’asthénie Psychique". Dans cette thèse où lui aussi cite Freud (le texte sur la Névrose d’Angoisse), il garde le souci de s’inscrire dans la double descendance de Charcot (côté psychiatrie, côté psychologie). Il y est toujours "le fils" de Régis quant à la méthode de psychothérapie: "Une indication principale présidera à toute cette direction mentale: le devoir pour le malade de se refuser à l'introspection, de se distraire de ses sentiments, de s’extérioriser..." Heureusement il ne s'arrêtera pas là. (Mais cette histoire est mieux connue a partir de l'article de Ferenczi "La Psychanalyse vue par l' École Psychiatrique de Bordeaux" 1915). Chargé par Régis d'entrer en relation avec Freud, il va d'abord lui écrire... puis publier avec Régis le célèbre  article de l’Encéphale en Avril, Mai, Juin1913 "La Doctrine de Freud et de son École" Revue Générale Bibliographique et Critique. C’est un article très passionnant, très exhaustif, très documenté, avec un index bibliographique très important. Toute l’œuvre publiée de Freud y est prise en compte, aussi bien les œuvres cliniques que le Witz ou le Léonard de Vinci, ou la Gradiva. On cherche à traduire vraiment tous les textes dont on dispose, on sent la présence d’un véritable germaniste, le frère d’Angelo, qu’il remercie en ces termes "les traductions, en nombre considérable, que nous avons dû faire des travaux de Freud et de ses élèves, sont dues à notre éminent parent, ami et collaborateur, M.O. Hesnard, agrégé de l’Université, professeur au lycée Charlemagne ..." Certaines de leurs inventions de traductions nous surprennent: ils utilisent l’adjectif freudique, ils écrivent affekt avec un k, désignant peut-être un "intraduisible" dans la nouveauté des concepts freudiens. En tous cas, ils réfléchissent aux idées à partir de leur effort de traduction et c’est très important. On sait que deux  conférences accompagnent cette publication le 13 mars et le 17 avril 1913, à l'hôpital St André... et que l’ensemble va donner le premier livre sur la psychanalyse publié en France: "La Psycho-analyse des Névroses et des Psychoses", Alcan 1913. 
 
 
 
hesnardGeneviève Lombard  
*La thèse de Texier a été sortie de l' oubli par Gérard Bazalgette. 

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