le travail de gallica

Sur son compte Twitter, le 31 juillet dernier,la bibliothèque de Chicoutimi (dont j'ai déja beaucoup parlé en raison de son très important travail de numérisation des Oeuvres de Freud) faisait cette annonce:
Bibliothèque UQAC‏@BiblioUQAC RT@bonfra 239 volumes de la Revue française de psychanalyse, de 1927 à 2000 : http://bit.ly/MJUKt3
Suivant aussitôt ce lien, j'ai vu que tous ces articles de Gallica sont très facilement accessibles et qu'ils sont téléchargeables et gratuits.

rfp

Vraiment précieux ce travail de Gallica pour remettre à notre disposition les numéros anciens, la plupart introuvables, des revues de psychanalyse (et de bien d'autres revues et journaux du XX°siècle).
Ici celui qui concerne la première parue en français, en 1927, la Revue Française de Psychanalyse.
Enfin nous pouvons tous lire in extenso et année par année (ou autrement) les articles publiés par nos premiers collègues, retrouver ce qui les préoccupait , ce à quoi ils travaillaient, le fonctionnement psychanalytique et scientifique de leur institution, leurs relations avec Freud. Nous disposions déjà de grands récits historiques (Roudinesco, De Mijolla), mais quand il s'agit de psychanalyse, les textes eux-mêmes sont beaucoup plus parlants que le montage des citations, et ils permettent à chacun de nous de construire son propre récit.

Particulièrement passionnants pour moi les numéros qui précèdent et ceux qui suivent immédiatement la 2° Guerre mondiale (tous les autres depuis 1950 m'ayant été accessibles). Cette "rupture" si profonde, bien au delà des prises de position de chacun des acteurs de l'époque, doit être étudiée à nouveau, surtout si nous pensons que nous sommes aussi, actuellement, pris à notre insu dans d'autres "ruptures".
De plus, en ce qui concerne la "vérité historique", la magie de la numérisation permet de mettre ces textes en relation avec toutes sortes d'autres éléments, les terribles éléments politiques des années 30, comme les éléments de la culture qui y sont liés. Et là, je vais de surprise en surprise car des évènements ou des prises de positions que je connaissais déjà plus ou moins confusément s'éclairent par d'autres écrits (d'extrême droite par exemple, eux aussi numérisés, lisez par exemple "l'Action Française des etudiants").De la même manière, les liens entre les personnes [Pichon-Janet-Lacan-Wallon-Freud] par exemple sont plus faciles à comprendre dès lors que l'on peut faire des recherches couplées à partir de tel ou tel élément précis d'un article.

Envie de rire, envie de pleurer, je conseille vraiment la lecture de l'article d'E.Pichon commentant celui de Lacan (connu de nous tous comme la racine même du fameux stade du miroir) "La Famille".Nous sommes en 1939. Je ne discute pas du fond (le cheminement des concepts a depuis éclairé tout ça)..Ce qui me frappe dans ce texte, ce sont les mots utilisés pour formuler une nouvelle fois ce que nous savons tous de la part de Pichon mais qui ici atteint des sommets: le rejet haineux de la culture de langue allemande : "Les réflexions qu'on vient de lire me sont inspirées par la lecture attentive de l'article sur la famille que M. Jacques Lacan vient de publier dans l'Encyclopédie française... Chacun sa petite performance : M. Lacan a lu Hegel et Charles Marx!
CHARLES Marx..! "franciser" Marx.,carrément.!
Mais surtout ce couplet pour donner à Lacan un brevet de "françaiseté":"Les psychanalystes français ont, chacun à sa manière propre, montré leur appartenance essentielle à la plus humaniste de toutes les civilisations, la française. Car la civilisation française... conserve son précieux caractère d'humanisme,en dépit des efforts destructeurs tentés successivement par la Réforme, par la mascarade sanguinaire de 1789-1799 et par la démocratie fille du 4 septembre. M. Lacan, sans rien abdiquer de son originalité, est, quant à cette françaiseté foncière, tout à fait des nôtres. Pour imbibé qu'il soit d'hégélianisme et de marxisme, il ne m'a semblé nulle part infecté par le virus humanitaire.....
Cette année là, 1939, Lacan est devenu titulaire.. Et puis ce fut la guerre.

Genevieve Lombard Bordeaux le 4 août 2012