Les psychanalystes et la révolution numérique

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Alors qu'il participait à l'émission "Ce soir ou jamais" du 25 octobre 2013 J.Attali a eu ces formules saisissantes: l'éthique de la tranparence va aller jusqu'à l'éthique de l'inconscient et de la mise à disposition de l'inconscient au reste du monde.
La mise à disposition de l'inconscient au reste du monde....? Comment une telle chose serait-elle "vraiment" possible?
C'est en 2011 que j'écrivais mon premier billet sur la "psychanalyse à distance" à propos du Congrès de Mexico.Le Congrès de Boston est en 2015. Pendant ce temps, la discussion entre psychanalystes a été des plus "pauvres", ce qui m'a intriguée...Encore plus intriguée quand a été mondialement révélée l'existence des prises massives de données par les pouvoirs politiques, judiciaires, économiques, selon des algorithmes inconnus et sans cesse en développement et que très peu de voix ont essayé de comprendre ce que ça allait donner pour les conversations par Skype par exemple, notamment pour les conversations garanties "confidentielles" (celles que promettent les "psychanalystes" qui pratiquent en ligne).

Pour qu'une situation aussi bizarre soit possible je me disais que des forces très puissantes devaient oeuvrer en sourdine. Oui, mais lesquelles?


A l'avant-scène, on voit l'IPA comme acteur principal, et lui emboitant le pas, une partie des psychanalystes qui sur l'Internet se disent favorables à la psychanalyse à distance ou aux différentes formes de e-thérapie. C'est là que joue le premier leurre, car à l'IPA (SPP,APF,SPRF ) nombreux sont ceux qui sont contre mais ils semblent laisser faire sans mot dire tout ce qui se fait. Il suffit de voir quelles ont été les politiques de l'IPA depuis l'après-guerre, et de réfléchir aux "succès" de la pychanalyse aux Etats Unis dans les 50 dernières années pour avoir une idée de ce que vaut cette orientation et l'imitation des américains qui nous est proposée. Mais pourquoi cette "garantie" de l'IPA est-elle si prisée tout à coup, et surtout en France (où les traditions psychanalytiques sont en partie si différentes?).? Se poser la question, c'est comprendre à la fois pourquoi certains se lancent et les autres se taisent. C'est comprendre pourquoi, systematiquement, les dangers que l'on fait courir aux patients sur l'internet (aujourd'hui et dans l'avenir) sont totalement passés sous silence ou aménagés selon des dispositions ridicules. C'est avoir le courage de voir sur quel sol idéologique la psychanalyse a glissé, se laissant emporter avec (presque) tout le reste de la culture dans un aveuglement dont je ne nous aurais pas cru capables.
Si ce glissement n'est pas stoppé, oui, la masse des données produites sur l'Internet par les "psychanalystes" et leurs patients (en relation avec l'inconscient) sera telle et sera devenue si habituelle, que c'est la notion même de secret et d'intimité de la vie intérieure qui aura disparu. Qu'est-ce qu'un secret qui peut être mis de manière aléatoire à la disposition d'un tiers inconnu pour des raisons inconnues.? Or, comme Piera Aulagnier l'a souvent montré, sans secret, pas de pensée. Evidemment, bien d'autres éléments que ceux liés aux thérapies en ligne alimentent déjà ces recueils de données en relation avec l'inconscient : choix, désirs, motivations ou gestes informatiques pouvant être signifiants par exemple. C'est la raison pour laquelle il faudrait justement ne pas en rajouter.
Genevieve Lombard Bordeaux 19 mai 2014