Eyjafjallajökull et Temps

volcan

Depuis l'Etna d'Empédocle, les volcans attirent les "philosophes". Ils n'accomplissent plus de prodiges et ne déposent plus leurs sandales sur les cendres fumantes.Il ne leur reste guère que le sermon apocalyptique et la leçon de morale faite à l'insouciance de l'humanité ordinaire emballée dans et par la vitesse.On a donc une fois de plus lu et entendu sur les ondes (débordant même au-delà de France-Culture) les couplets habituels et parfaitement prévisibles de Finkielkraut , BHL et, dans l'huma du 19 avril de Paul Virilio

On trouve dans son article un raccourci saisissant, qui va de Parménide à Nietzsche."Que ce soit le tsunami, l’irruption en Islande, le krach financier ou les attentats, nous assistons à un accident systémique ou plutôt un accident de l’écosystème de la mondialisation. Ce qui est important, c’est le caractère sériel pour ne pas dire cyclique des catastrophes naturelles, industrielles, informationnelles".
Donc [quel que soit le multiple, il n'y a que de l'Un]
et [les séries font sans cesse retour ]

 

Cette image est une copie d'écran d'une des webcams de mila, grâce à qui nous avons pu voir en direct l'état de l'éruption du volcan
Tous ces "évènements" ainsi "totalisés" en UN seul et chaque composant considéré comme lié intrinséquement au système, il ne reste plus qu'à se demander si ces cycles sont de valeur égale dans leur répétition(auquel cas rien de nouveau sous le soleil noir de la mondialisation) ou si dans leur insistance, il y aurait quelque SIGNE (avant-coureur, ou toujours déjà là) à déchiffrer, ce qui donne la position strictement opposée: Est-ce que tout se mettrait à aller irrémédiablement "plus mal"?
Dans un temps qui suit de peu cet accident dit systémique (qui lui dure toujours avec un fort taux d'imprévisible, avec sa capacité d'obliger à changer assez souvent l'orchestration de tous les vols de l'Europe et de l'atlantique nord) , d'autres qui ont leurs propres secousses comme le 27 avril la dégradation de la dette grecque et ses terribles conséquences sur la vie quotidienne de millions de personnes, le 6 mai un effondrement incompréhensible de 1000 points à la bourse de NY suivi de bourses à yoyo (répliques.?). A propos de cet accident boursier, Philippe Quéau ironise: on dirait "un scénario à la Virilio, enfin la preuve que le Grand Accident, l’Accident de l’Occident, était bien tapi virtuellement dans le « système »". Pour faire bonne mesure et compter l'informatique dans cette série, il y a eu le 10 mai l'accident de Twitter dont Yann Leroux nous dit "lorsque sur Twitter, le nombre de followers a été mis à zéro suite à un bug, cela a été l’affolement. Il y a eu, pendant quelques minutes, quelque chose de l’Armageddon". Le 13 mai, c'est A.Merkel qui constate que l'euro affronte son plus grand test depuis des années et pour elle, "ce test est existentiel"..Tous ces évènements porteurs de menaces peuvent en effet nous apparaitre comme une série, ou plutôt nous sommes assez prêts à les considérer ainsi.Ils se passent en moins d'un mois et leurs craquements successifs durent dans le même présent: [à l'heure où j'écris, j'ai dans le coin de l'écran l'eyjafjoll en direct depuis une des cameras de Mila : beaucoup de cendres très noires et très hautes-la bourse de Paris est en baisse comme beaucoup d'autres-des manifs et grèves sont annoncées en Grèce et en Espagne- ce n'est plus twitter mais le "facebook apero" qui fait le buzz].
On le sait depuis longtemps, "la pensée" qui totalise(rait) des évènements potentiellement dangereux et qui ne peut laisser à l'inconnu son statut d'inconnu n'est pas de la pensée mais de l'idéologie (1). La peur, l'impuissance, le sentiment que des pans entiers de l'existence humaine sont sous la domination de forces incontrôlables sont probablement très partagés par des millions d'êtres humains en ce moment, et l' interconnection massive que produit l'Internet fonctionne comme amplificateur.Personne évidemment ne peut dire si nous allons vers la Catastrophe Absolue ou si l'humanité trouvera des solutions inédites aux problèmes qui lui sont globalement posés. Ce qui nous fait pencher d'un coté ou de l'autre dépend en grande partie des ressorts inconscients qu' un tel climat mobilise..
C 'est la constitution psychique de "la relation d'inconnu"(2) dans ses rapports avec le connaissable (dans l'infantile, mais aussi dans la sublimation, dans l'expérience, dans le travail ) et l'Inconnaissable (sûrement originel, peut-être "absolu", éventuellement "éternel") qui a créé notre "penchant":
-soit nous sommes dans une fin du temps (banalisée dans un présent monotone "qui a perdu son futur", une dépression par exemple, ou d'autres structures psychiques plus ou moins gravement chronopathes)
-soit nous ressentons qu'il reste de l'élan (suffisamment de pulsions de vie) dans notre présent (individuel et collectif) pour continuer à mettre en doute "la certitude du pire". C 'est par là que passe le chemin (s'il y en a un).
1.P.Virilio dit ne pas s'autoriser à faire de telles totalisations(voir ma page précédente)
2.Guy Rosolato:La relation d'inconnu.Gallimard 1978.La préface est déjà tout un programme:"La relation d'inconnu comme cheminement".
Genevieve Lombard Bordeaux 16 mai 2010