Le non-virtualisable de la psychanalyse

bt Comme je le craignais depuis les dernières années ( voir les questions que je posais en Juillet 2005 dans les Arguments qui ouvrent ce site) et comme nous pouvons l'apprendre (que nous le voulions ou non) par le genre de pub et de buzz qu'elles font fonctionner, nous assistons depuis quelques mois surtout à un développement accéléré sur l'Internet de pratiques de thérapie qui se prétendent de facto psychanalytiques
Fuite en avant?
Essayer d'utiliser les dispositifs technologiques que le cybermonde met à notre disposition à des fins de soins (de soi ou de l'autre) est une chose qui mérite qu'on y réfléchisse, prétendre qu'il pourrait alors s'agir encore de psychanalyse n'a pas de sens.. Il suffit d'avoir vécu une seule séance d'analyse (que ce soit à titre de psychanalyste ou de psychanalysant) pour le comprendre , pour comprendre surtout ce qui, dans ce dispositif si génial inventé par Freud, n'est fondamentalement pas "transposable". Il suffit aussi d'avoir été pris dans des transferts importants dans des activités dites virtuelles ( dans les échanges sur les news ou autrement..) pour savoir que les outils informatiques dans les relations qu'ils permettent avec autrui supposent eux aussi un assez long apprentissage pour ne pas être utilisés n'importe comment, qu'ils ne véhiculent pas le langage ni le silence,les questions et les réponses, comme le font les autres médias.
La co-présence par écrans interposés, si elle est bien "réelle", et permet de vrais échanges , dans lesquels les émotions et bien des aspects de la vie humaine ont leur place, ne donne pas pour autant l'essentiel de ce qui constitue une présence authentique (corps et âme) d'une personne à une autre.Le temps y fonctionne lui aussi très différemment et bien des aspects de ces évolutions sont encore très obscurs (et bien peu étudiés ) dans leurs effets, notamment tout ce qui concerne le mode d'activation des fantasmes et les types de régression propres -semble-t-il- à la vie sur l'écran (note1). Enfin, se faire payer d'avance (parfois pour une série de "séances") suffirait à lui seul à nous dire dans quel univers ces échanges vont se passer.

Yann Leroux développe dans ce même sens une série de questions préalables, dans son article:

Quelques recommandations à propos des thérapies en ligne

Il considère cette forme d'activité comme un fait accompli irréversible, mais il esquisse aussi des dispositions de "cadre" et de méthode qui lui paraissent nécessaires pour que l'on puisse parler de psychothérapie. Si (selon lui) il est urgent de procéder ainsi concernant les psychothérapies sur l'Internet, en est-il de même pour la pratique de la psychanalyse et les formations à la psychanalyse ? Pour le moment et jusqu'à plus de discussions sérieuses entre psychanalystes, ma réponse est non. Je maintiens qu'un travail qui se dit psychanalytique nécessite la présence effective de deux personnes dans le même lieu et le même temps. Il faut bien évidemment que, en parallèle, les psychanalystes se préoccupent un peu plus de ce qui peut se passer dans les vies psychiques en communication par écrans interposés, et de ce qui vient se jouer de ces vies sur l'écran dans la cure elle-même.

 
Note 1.C 'est dès 1998 que Sherry Turkle a proposé cette expression, qui est le titre de son livre "Life on the Screen" Bibliographie de ST
Genevieve Lombard Bordeaux 26 septembre 2007